Un peu d’histoire…
2000 ans de navigation sur le Léman…
La situation privilégiée du Léman, au débouché des vallées alpines, en a fait un axe majeur du trafic commercial dès la préhistoire (les vestiges d’une pirogue palafitte sont conservés à Genève).
De l’époque romaine, seules quelques inscriptions dans la pierre témoignent de l’intense activité de la corporation des nautes qui assuraient le trafic entre le Rhône et le Rhin par les lacs Léman et de Neuchâtel.
L’âge d’or de la navigation lémanique, du XIII° au XV° siècle, nous est mieux connu par les archives et l’iconographie.
Au Moyen-Âge, les mers étaient peu sûres et l’essentiel des marchandises en provenance d’Orient (soieries, épices…), transitaient par les grands cols alpins dont le Grand-St-Bernard. Le Léman en était le prolongement obligé, les rives du haut-lac n’étant pas praticables. Genève était alors le siège d’une des plus grandes foires d’Europe. Ce sont sans doute des bateaux à fond plat, à voiles carrées, semblables aux gabares de la Loire et de la Garonne, qui assuraient l’essentiel du trafic.
Mais la situation féodale de la région va amener une innovation qui donnera à la flotte du Léman une originalité unique en Europe pour la batellerie d’eau douce. En effet, les Comtes de Savoie possèdent au XIII° siècle la totalité du littoral lémanique à l’exception de Genève. Pour en assurer le contrôle, ils vont faire construire une flottille de galères, basée à Chillon, par des charpentiers génois. C’est l’apparition sur le Léman de techniques de construction navales méditerranéennes, développées plus tard par d’autres constructeurs originaires de Nice, qui subsisteront jusqu’à nos jours. Les rivalités entre Savoie, Genève et Berne entraîneront la construction de véritables armadas, avec les batailles navales, les pillages et les exactions qui en découlent.
Les galères subsisteront jusqu’au XVIII° siècle, tout en évoluant vers un usage mixte adapté aux conditions locales : faible tirant d’eau, flancs larges, immenses voiles latines, pont permettant de charger des marchandises (ou des canons).
Au XIX° siècle, la barque du Léman est prête à répondre aux besoins plus pacifiques qu’entraîne le développement des grandes villes riveraines et qui la conduiront à son apogée. Pendant plus d’un siècle, plus d’une centaine de bateaux construits par les chantiers navals de St-Gingolph, Meillerie, Genève, La Tour de Peilz, transporteront pierres de taille, enrochements, graviers des carrières de Meillerie et St-Gingolph vers les ports de Genève, Lausanne, Montreux, Évian, Thonon, entraînant une activé économique considérable favorisée par le régime fiscal des zones franches.
On distingue les bricks, plus répandus sur la côte suisse, d’une capacité de 30 à 70 tonnes, manœuvrés par trois bateliers (les bacounis), et les barques portant de 80 à 220 tonnes nécessitant la présence de quatre à cinq bateliers. Ils ne diffèrent que par leur taille et ont gardé de leurs ancêtres, les galères, leur construction sur quille, leur voilure latine si caractéristique, leurs galeries latérales, les apoustis, qui ne supportent plus les rames mais sont bien pratiques pour manœuvrer sur un pont encombré par le chargement.
Parallèlement, le trafic local de bois, fromages, vins, bétail, est assuré par des cochères à fond plat, plus petites, plus instables, aux formes plus affinées que les naus du Moyen-Âge.
Au XX° siècle, le train, la route, les chalands métalliques à moteur, le béton, entraîneront leur décadence puis leur disparition définitive avant la Seconde Guerre Mondiale. Leur silhouette si élégante ne subsisterait plus que sur les affiches touristiques et les cartes postales de la Belle Époque et dans la mémoire des plus anciens si deux bateaux n’avaient été sauvegardés. A Lausanne, La Vaudoise, le dernier brick construit en 1932 à Meillerie navigue aujourd’hui sous les couleurs de la Confrérie des Pirates d’Ouchy. A Genève, la Neptune, construite en 1904, a été sauvée de la démolition en 1974.
Ces deux vénérables témoins de 2000 ans de navigation commerciale sur le Léman étaient bien sûr présents à Thonon le 11 juin 2000, pour le lancement de la Savoie, réplique d’une barque construite à Genève en 1896 et démolie en 1945 sur les lieux même qui verront sa renaissance.
Aujourd’hui, toutes les trois, auxquelles se joignent L’Aurore, une cochère reconstruite à St-Gingolph et La Demoiselle à Villeneuve, se retrouvent parfois pour incliner leurs antennes parmi les voiliers de plaisance, les chalands chargés de gravier, les vapeurs et les unités modernes de la CGN qui sillonnent toujours inlassablement les eaux du bleu Léman.